De Santiago à Valparaiso

De Santiago à Valparaiso

3 – Chili Centre!

 

Je retrouve ensuite la capitale en compagnie de Claudia et ses acolytes Rafael et Manuel. Bien que Santiago s’apparente à une ville américaine, je me sens tout de suite à l’aise dans cette ville. Chacun me partage son Santiago mais l’encyclopédie vivante de la capitale, c’est bien Manuel. Toujours avec un livre et un carnet à la main, il connaît la ville et son histoire sur le bout des doigts et surtout me fait sortir des sentiers battus.

Je prend mon repas au marché de la Vega, je prends mon café au comptoir du bar ambulant Altura et à la Piojera teste le « terremoto » (un breuvage alcoolisé originaire du Chili fait avec du pipeño – un vin à base de différents cépages et fermenté moins longtemps – et du sorbet à l’ananas). Je découvre le petit quartier londonien, les centres culturels de la Moneda et du Gam, les « cafes con piernas » (« cafés avec des jambes » où les serveuses sont réputées pour porter le minimum vestimentaire pour le plus grand plaisir de sa clientèle masculine), le bar de la Unión ou café de l’anti-bourgeoisie, l’unique librairie anarchiste… Il fait une chaleur presque étouffante ici à Santiago… Nous entamons une discussion sur la situation économique du Chili. C’est vrai que, parmi les pays d’Amérique Latine que j’ai pu visiter, le modèle chilien serait celui qui se rapproche le plus proche de l’Europe ou des Etats-Unis. Mais Manuel ne cache pas sa désolation face à un pays qui solde ses ressources naturelles aux investisseurs étrangers. Les mines et l’eau, parmi les biens les plus précieux que possède le pays, sont tombées dans les mains des familles aisées chiliennes et surtout étrangères. L’écart entre les riches et les pauvres est une préoccupation qui ne semble pas inquiéter les plus fortunés. Un mal qui bien entendu n’a pas de frontière.

Je suis attendue. Ou plutôt, cela fait près de 14 ans que j’attends ce moment… retrouver Loreto, ma colocataire de Barcelone. C’est de là que vient mon premier lien avec le Chili. Je me souviens encore de sa façon de me parler de son pays, de l’intonation de sa voix faisant traîner les « o » et les « i » avec ses « chiquitiiiiiiitoooooo », « super boniiiiiiiiiito ». Elle habite Viña del Mar à côté de Valparaiso. Je suis accueillie par toute sa famille comme si j’avais toujours vécu là. Loreto me guide dans les rues colorées de Valparaiso qu’elle s’amuse à peindre depuis plusieurs années. Un véritable musée à ciel ouvert. Les murs des maisons et même les escaliers sont des oeuvres d’art.

Une mamie géante, un vélo suspendu, un escalier en forme de piano m’entrainent l’un derrière l’autre vers les quelques balcons offrant un panorama imprenable sur le Pacifique. Loreto m’emmène à la découverte d’endroits méconnus comme le Parque Cultural de Valparaiso installé dans une ancienne prison qui rassemble un centre culturel, un centre d’art et un centre communautaire. Nous nous posons dans le petit parc de la cour intérieure.

De retour à la maison, c’est peut-être un de mes moments préférés de la journée. L’instant où le soleil se couche sur le Pacifique. La vue depuis la maison des parents de Loreto est pour cela magique. Anita, la mère de Loreto, m’accompagne sur le balcon. J’entame des discussions de mère à fille. À l’heure du traditionnel « once » (terme définissant l’heure du goûter), Juan, le père de famille, me lance des « mani » (voulant prononcer « Manue ») à tout va, curieux de connaître le déroulé de ma journée. Impossible pour moi de partir sans goûter aux fruits de mer et au fameux pastels de choclos (gâteau à base de maïs, viandes et oeufs).

Dès que nous le pouvons, nous nous échappons avec Loreto. Grâce à elle, je découvre un site unique au monde investi par une communauté d’architectes organisée en coopérative sous le nom d’Amereida. Leur but est “de faire de la vie, de l’étude et du travail une unité”. En 1971, ils acquièrent le site de Ritoque en bord de mer au nord de Viña del Mar. Ils commencent alors à construire ce qu’ils appellent la Ciudad Abierta. Véritable terrain d’expérimentation, ils utilisent tout type de matériel. Certains y vivent à l’année. Des maisons plus biscornues les unes que les autres mais aussi une église, un cimetière, une bibliothèque, divers prototypes ont été réalisés par des professeurs et étudiants en apprentissage.

Je découvre également le tourisme de masse à la chilienne, le long de la côte entre Valparaiso et Concon… un peu désoeuvrant dois-je dire quand je n’ai l’impression de ne voir qu’un alignement de balcons s’écrasant sur le bord de mer ! Ah, architecture à l’américaine quand tu nous tiens ! Je ne comprends pas… les maisons de Valparaiso ont bien plus de charme… quel prestige y a -t-il à ériger des mastodontes si ce n’est pour faire de l’ombre au si merveilleux Pacifique… ? Et je ne parle pas des malls ou centres commerciaux, ces mastodontes et temples de la consommation qui poussent comme des champignons un peu partout, au Chili comme partout ailleurs… Et dans ce cas, l’Europe n’est pas si éloignée.

Les jours passent et l’envie me démange de me rendre seule à Valparaiso. Je me sens prête pour flâner, appareil photo en main. Je visite la maison de Pablo Neruda. J’imagine tout à fait Dalí vivre dans une telle bicoque à plusieurs étages qui n’est pas sans me rappeler la proue d’un bateau. Et le bateau avec une vue plongeante sur le Pacifique ne semble attendre qu’une chose, larguer les amarres ! Valparaiso est une ville construite de bord de mer puis sur des cerros ou collines avec sur chaque un nom de quartier touristique ou pas.

Bien mal me prend alors de m’aventurer toute seule d’un cerro touristique à l’autre. Il ne me faut pas plus d’un quart d’heure pour comprendre que je suis suivie… Le petit détail auquel je n’avais pas pensé, c’est que pour aller d’un point à l’autre, je devais passer par une partie non fréquentée. Valparaiso se dessine en petites rues qui se confondent et se rencontrent par des chemins de traverse. Une chose est sûre, il faut être du coin pour en connaître les moindres raccourcis, ce qui n’est évidemment pas mon cas… Pas un resto, ni un bar pour me réfugier. Je maudis mon inconscience. La tension monte et je me demande bien par quel miracle je vais pouvoir me sortir de là. C’est alors que je vois sortir d’une impasse comme descendu du ciel, un taxi. Mon chauffeur me sort illico de cet endroit qu’il juge bien trop dangereux pour une personne qui n’a de toute évidence rien d’apparent à une chilienne ! De retour chez Loreto, toute la famille est en émois. Mais je suis saine et sauve !

4-Atacama

1-Patagonie

2-Violette

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