1 – Une oasis au coeur d’une Quebrada aride…
Máncora, Nord du Pérou, début juillet, 10h du matin, 25 degrés. D’un côté le Pacifique, de l’autre le désert péruvien. Après une semaine à Lima et 20 heures de bus, j’ai troqué la grisaille de la capitale péruvienne contre l’été éternel. A ma descente du bus, une multitude de moto-taxis s’empressent autour de moi, prêts à plier face à mes moindres souhaits. Transports, plongée, surf, sortie à cheval… mes oreilles entendent mais n’écoutent pas. Je dis « ok » au premier venu. J’oublie feeling et intuition, je veux juste que l’on m’emmène à l’écolodge de Tom. Alors je répète machinalement l’information reçue avant d’arriver : Ecolodge Máncora, dans la Quebrada, barrio industrial, La Posada !
A l’approche de mon objectif final, le moto-taxi descend un chemin en terre et se met à chahuter dans les cahots. Au milieu de ce paysage sévère et aride, je découvre une oasis formée de palmiers et de baraques en bois. Situé à l’écart du centre ville, certains reculeront face à ce lieu-dit « la Quebrada » qui signifie « vallée au milieu de laquelle coule une rivière ». D’autres, comme moi, trouveront ce qu’ils cherchaient, un lieu atypique et authentique. Retranchée dans une sorte de carrière, la Quebrada est en ce mois de juillet toute assechée.
Même si je me refusais à le reconnaître, je suis bien la Parisienne d’adoption confrontée au Nouveau Monde. Adieu les grandes avenues bien rangées, la nature en cage, les bouchons du périph… la désorganisation organisée. Nous serions tous des Latins mais enfin ! Ici rien à voir… Code de la route inexistant, cabanes de fortunes, maisons à courants d’air, routes en terre, les produits n’ont pas à subir l’inflation pour descendre ou monter, les rendez-vous sont faits pour ne pas être respectés… Et pourtant, je redécouvre les plaisirs d’une vie plus légère.
Me voici devant l’écolodge de Thomas Gimbert, mon nouveau lieu de travail pour les deux prochains mois. Jeune architecte français et ancien backpacker, Tom, comme tout le monde l’appelle ici, a construit une cabane de luxe où les branches des arbres rentrent dans la douche, les feuilles de bambous tressées servent de couvre-chef, le sommet des plus hautes chambres concurrence la cîme des arbres ! Au milieu de ce petit hôtel de 6 chambres trône la piscine nettoyée à l’aide d’une lampe UV et sans produits chimiques. Ici, tout est naturel et authentique, les matériaux et les techniques traditionnelles employées pour la construction, les petits-déjeuners de Jovita, certainement parmi les meilleurs de Máncora.
Le concept original de cet écolodge a le mérite d’attirer une clientèle différente : des voyageurs en quête de sérénité et d’authenticité avec qui il est agréable de discuter autour de la table des repas. Chacun va de son histoire, de son expérience au Pérou. S’ils ne méditent pas, ce sont des férus de surf. Entre voyageurs, on se partage les adresses secrètes de Máncora, les bons plans pour découvrir le meilleur du Pérou hors des sentiers battus. Echange de mails, des « tiens-nous au courant si jamais tu passes par chez nous ! » font guise d’aurevoirs.
Si Tom, le propriétaire, est un véritable courant d’air, c’est parce qu’il mène 10 000 projets à la fois. Dernier en date, la construction de 5 maisons de familles démunies de Máncora. Un projet qu’il a monté avec 26 étudiants de l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris dans laquelle il donne des cours. Le projet a fait des émules parmi les médias péruviens et la suite est déjà bien entamée avec en prévision, la construction d’une centaine de maisons toujours dans l’esprit d’aider les familles dans le besoin. Autour de Tom, gravite toute une équipe d’artisans, Gerardo, Calin….une fratrie de trois garçons provenant de la selva. Ce sont des awajuns, une communauté indigène de la forêt amazonienne du Nord du Pérou. Ils ont appris l’espagnol sur le tas et suivent Tom dans ses projets les plus fous.
Dès que je passe la porte du lodge, je suis assaillie par Jorge, Daniel, Brigitte, Marie-Carmen… Cette petite bande de gosses grossièrement livrés à eux-mêmes viennent régulièrement me demander de venir se tremper dans la piscine de l’hôtel. Ils passent leur journée à jouer à même le sol à toutes sortes de jeux. Ils sont filoux et malicieux. Il nous a fallu du temps pour nous apprivoiser. Maintenant, je ne résiste à l’envie de leur décrocher un sourire lorsqu’ils me lancent des « Emma » ou « Señora » pour me saluer. Milou, une française expatriée, présente 6 mois par an à Máncora, a investi la petite école située juste en face. Elle ouvre 3 après-midis par semaine la « Escuelita de Mom Cora » et partage avec eux les jeux qu’elle a pu rassembler et sa bonne humeur.
Situé à quelques 200 mètres du lodge, le mystérieux Pacifique m’attire comme un aimant. Dès mon arrivée, on me dit de ne pas manquer les baleines. Alors je scrute en permanence l’horizon avec l’espoir que l’une d’entre elles me dédie un ou plusieurs sauts rien que pour moi. Je m’amuse à voir les poissons sauter hors de l’eau, les pélicans plonger tels des obus dans l’océan, d’apercevoir les moustaches des loups de mer à fleur d’eau, de nager avec les tortues, de voir du plancton fluorescent visible à la nuit tombée.
On me parle du Niño. Il serait prévu pour cette année. Il se peut qu’après son passage rien ne reste… alors j’imagine la Quebrada en eau, les baraques en bois pliées sous la force des eaux du Pacifique….voilà pourquoi peut-être depuis le début il m’inspire autant de respect! Ici la nature revêt un caractère et une force différente. Installée sur une plaque sismique, la terre tremble souvent au Pérou. A Máncora j’ai vécu mon premier séisme. Peur, stupéfaction, émerveillement, je n’ai su que penser.
De jour, la mer est aux surfeurs et kite-surfeurs. Impossible pour moi de rester deux mois à Máncora sans relever le défi. On me recommande Carlos pour mes premières leçons. Surfer la vague est loin d’être aisé mais à voir la facilité de bon nombre d’habitués, on se laisse facilement gagner par l’envie d’essayer.
Dernière expérience incontournable à Máncora : faire ses courses ! Sur le marché local, on se sent plus touriste que jamais. Du haut de mes 1m80, je passe difficilement pour une locale, obligée de baisser la tête pour traverser l’allée principale. Véritable bric-à-brac, on y trouve de tout, en caissons, accrochés ou plaqués sur du papier journal quand ce n’est pas directement à même la table : fruits, légumes, poissons, viande, épicerie, tupperwares, vêtements… Les enfants cavalent à pied nus, au milieu des chiens, des sacs de légumes et des adultes. L’expérience est à vivre et prend idéalement fin avec sur place la dégustation d’un ceviche ou d’un jus de fruit frais… mais estomacs fragiles, prenez garde !
Je me régale avec les fruits en tout genre, la coco que l’on nous ouvre sur le marché et que l’on sirote dans la rue. Cette rue, qui est un spectacle en permanence. La Panaméricaine, principale artère de Máncora, est traversée par tout type de véhicules. Camions, vans, moto-taxis, convois, motos, tous rivalisent pour transporter les chargements les plus improbables. Surgissant de nulle part, on navigue entre les moto-taxis comme au beau milieu d’un jeu de quilles. Les touristes prennent à l’arraché les vans en direction de la frontière équatorienne que l’on devine au cri « Tumbes » lâché par le copilote. Ils partent et reviennent dans le but de passer en Equateur et renouveler leur visa. Les regards se tournent constamment sur les Européennes qui défilent en grand nombre dans les rues de Máncora. A notre passage, on trouble les parties de carte commencées sur des bouts de banc, les artisans du marché local, les vigiles du Malecón, les instructeurs du bord de mer, les chauffeurs de moto-taxis, les, les, les…..à n’en plus finir !
Après deux mois passés à Máncora, mon séjour dans la ville de l’été éternel s’achève. Prochaine destination et changement de décor avec la Cordillère des Andes, la jungle et le Macchu Picchu. A suivre…